Du 08-01-2022 au 24-01-2022
Post-diplôme art - Voyage d'étude à Dakar
Voyage de recherche
Post-diplôme art, 2021-2022, coordonné par Oulimata Gueye
Voyage d'étude à Dakar du 8 au 24 janvier 2022
Le voyage à Dakar, Sénégal, s'est construit sur des rencontres et notamment celle faite avec Marie-Hélène Pereira, Directrice des programmes de Raw Material Company, en octobre dernier à Lyon. Raw Material Company est un centre d'art contemporain qui ausculte autant la création contemporaine internationale que la vie intellectuelle locale. A travers des rencontres, des expositions, des résidences d'artistes et des sessions de formation, Raw s'ancre dans le paysage artistique comme un centre pour l'art, le savoir, et la société. Les sessions de la Raw Academie orchestrées par des intervenant.es du monde entier ont largement innové dans la pédagogie de l'enseignement de l'art sur le continent. A Dakar nous avons été accueilli·e·s par l'ensemble de l'équipe essentiellement féminine! Nous avons étroitement travaillé avec Marie-Hélène Pereira et les commissaires, Dulcie Abrahams Altass et Fatima Bintou Rassoul Sy. Les artistes du post-diplôme ont nourri leurs projets de recherche des nombreuses rencontres organisées notamment par Raw avec la scène artistique et par la sérendipité propre aux voyages de recherche.
Présentation des démarches des artistes
La pratique de Diane Cescutti prend comme point de départ le métier à tisser à l’origine de la computation. Elle travaille sur les généalogies partagées entres les processus algorithmiques et les potentiels augmentés du tissage. Elle développe une production transmedia qui pense ensemble le métier à tisser, le tissage, la spéculation, la littérature, la vidéo et la performance. Pour ses recherches à Dakar, Diane s'est penchée sur les savoirs et traditions contenus dans le pagne tissé manjak ou sëru ndiaago, tissu traditionnel, chargé de symbolique qui accompagne différentes étapes clé de la vie à la mort. Elle a été accueilli·e par les tisserands de l'atelier de la créatrice Aïssa Dione. Elle s'est aussi rapprochée d'une des communautés des tisserands de Guinée Bissau basées à Dakar pour confectionner avec l'un deux, Edimar Rosa, le pagne tissé, serou rabal, en wolof. Diane valorise le tissage comme langage et le numérique comme outil relationnel : "N'ayant aucune langue orale commune, la transmission du savoir s'est effectuée directement au niveau de la surface du tissage, le seul langage que nous possédons en commun. Et quant à nos autres interactions, c'est à travers l'interface de nos smartphones, par l'application google trad, que nous communiquions sans voix."
Sybil Coovi Handemagnon travaille sur/et avec le medium photographique comme une technologie de la représentation et vecteur de significations. Ses projets portent sur la fabrication de fictions coloniales et sur la manière dont elles ont contaminé les imaginaires collectifs. Elle collecte les matières premières de ses recherches dans des archives coloniales et dans les récits/images sur les notions d’origines, d’identité et d’Histoire. À Dakar, Sybil a travaillé sur des histoires de la photographie au Sénégal avec en arrière plan l'idée que ces représentations ne pouvaient qu'aller à l'inverse de la photographie ethnographique élaborée d’un « point de vue » européen. "A travers des recherches sur différents « types/usages/styles » de photographies —de la photographie de studio aux archives de l’Institut Fondamentale d’Afrique Noire(IFAN)— et à travers la rencontre avec des artistes photographes sénégalais de différentes générations, j'ai interrogé l’évolution et les changements des représentations ainsi que le passage d’un processus de classification et de catégorisation impériale des populations à un processus de subjectivation. "Se faire photographier" plus que d'être "catalogué".
Caroline Déodat est artiste et docteure en anthropologie de l’EHESS. Elle s’intéresse à la fabrication de l’archivage colonial ainsi qu’aux manières de recomposer des généalogies passées sous silence. Pour le post-diplôme, elle travaille à l'écriture d'un film à partir des potentialités de représentation et de visibilité du Sega de l'île Maurice, danse née dans les espaces dérobés du marronnage et qui est aujourd'hui exposé sur scène comme un folklore touristique. Comment penser une narration convoquant l’ethnographie historique et le récit intime, la gestuelle dansée et l’architecture ? A Dakar, Caroline a poursuivi ses recherches sur les rapports entre cinéma et oralité poétique, fétichisme et aliénation coloniale. A partir des grands maîtres du cinéma et de la rencontre avec de jeunes réalisateurs et théoriciens sénégalais, elle a cherché à comprendre comment développer une pensée du cinéma alignée sur des pratiques culturelles ancrées localement. "Comment la curiosité et les fantasmes de l'absence renouvellent-ils ma quête de déchiffrement de l'archivation coloniale en tant qu'énigme visuelle et intellectuelle ? C'est depuis ce questionnement que j'ai opéré un déplacement dans les espaces-temps de Dakar et de Saint-Louis, parmi les vivants et les survivants, les humains et les non-humains qui hantent et habitent encore et toujours ces lieux: Ousmane Sembène, Djibril Diop Mambéty, Cheikh Anta Diop, Léopold Sédar Senghor, Meïssa Gaye pour ne citer qu'eux."
Nicolas Pirus explore le potentiel poétique d’une écriture multimédia qui croise le film, l’animation, la 3D et l’installation comme médium. Poésie, son, film, images de synthèses ou céramiques produites à l’aide d’imprimantes 3D. Il imagine des « récits-soins » qui portent des voix intimes de résistance évoquant leurs places, leur histoire dans l’Histoire, les aspirations qui les habitent. Ces voix forment des archipels de temps, de désirs et d’histoires. Le travail en réseau et l’approche collective dans lequel une grande partie de son travail s’inscrit font écho aux conditions contemporaines d’existence et de production de l'art contemporain. A Dakar, Nicolas a ouvert un nouveau chapitre de son projet Songes terrestres en s'intéressant à l’exploitation du phosphate au Sénégal et à l'histoire coloniale de la botanique.
Shivay La Multiple est un Méta Être qui navigue entre la réalité physique et l'espace numérique. La performance, le tissage, le costume, l’image holographique, la vidéo et le son produisent un espace-temps chimérique qui sert de base à sa pratique. A la recherche des récits des origines, son travail se concentre sur la mise en forme et en volume d’un conte initiatique qui prend naissance dans le Fleuve Maroni puis glisse et s’enfonce dans les eaux du Fleuve Congo et se cristallise à la confluence du Rhône et de la Saône. A Dakar ses recherches ont porté sur le fleuve Sénégal et la façon dont les fleuves se parlent et tissent des connexions à partir des histoires locales et des communications invisibles. Elle a également travaillé sur le stylisme, les pratiques initiatiques des peuples de la mer et les possibilités de développer ses recherches entreprises sur la culture de la calebasse. "Ce fut pour moi un temps de prospection et de premiers contacts qui m’a permis de mesurer que le travail de la calebasse est un savoir qui se perd. Ainsi, pour trouver des « calebassiers » et ceux/celles qui les transforment de la plante à l’objet fini, il faut aller dans le Fouta ou en Casamance ou s’enfoncer plus loin en amont, remonter le fleuve Sénégal jusqu’au Mali pays d’exportation des calebasses. Ainsi, se dessine jour après jour, fleuve après fleuve, rencontre après rencontre une nouvelle courbe à mon conte initiatique."