Du 29-11-2005 au 01-01-2005
Séminaire d'Allan Sekula
Temps sans histoire
Allan Sekula [artiste]
"(…) C'est pourquoi le mantra* indéfiniment répété comme quoi la photographie aurait enfin atteint, ou retrouvé, le statut d'Art, me semble tout à fait à côté de la question. Ce qui est bien plus intéressant, c'est la modestie du médium, et la connaissance essentielle développée à partir d'une attention prolongée et rigoureuse pour l'observation. C'est là un argument en faveur de l'aptitude de la photographie à représenter la vie économique (.) et de l'affinité entre documentaire et démocratie." (AS) *mot sanskrit que l’on peut traduire par “phrase sacrée”
Le travail d'Allan Sekula (Erie, Pennsylvania, USA, I95I), artiste, historien de la photographie, critique et essayiste, n'est pas de l'ordre de la photographie documentaire au sens classique, dans laquelle des images racontent une histoire visuelle autonome et esthétique. C'est en vain que le spectateur cherchera des photographies montrant la pointe dramatique d'une action ou d'un événement. Dans ses projets, la forme et le contenu revêtent la même importance. C'est ce qui, dans ses expositions et ses livres, ressort de la disposition des oeuvres en séquences, de l'incorporation de textes plus ou moins longs et de l'agencement de l'espace. Il veut, dans son travail, rendre visibles des problèmes sociaux et des relations économiques complexes, et cela ne peut se faire à l'aide des seules images. Sekula pense que la parole "ancre" pour ainsi dire l'image en lui attribuant un sens précis auquel elle risquerait sans cela de se soustraire. Depuis le début des années 70, Allan Sekula réalise une investigation des conditions politiques, économiques et sociales du capitalisme avancé. En réactivant, par exemple, la forme documentaire au sein d'un système photo-texte narratif, il s'est affronté aux déficits de représentation frappant les mondes du travail, des flux économiques, de l'éducation ou encore de la guerre. Son travail est profondément ancré dans la continuité historique et critique d’une photographie américaine, celle de “family of man” en passant par Lewis Hine , les photographes comme Bérenice Abbot ou Walker Evans de la “FSA” ou encore Diane Arbus et Gary Winogrand, entre autres. Il nourrira, dès le début, son travail photographique des études du sociologue Erving Goffman et de la notion du “geste social” de Brecht, et dira “Plus généralement, il était impossible de repenser la tradition documentaire sans contracter une dette intellectuelle envers la pensée sociologique, de Marx à Durkheim…”