Séminaire de Pietro Montani

L'unité de recherche ACTH (Art Contemporain et Temps de l'Histoire) organise un troisième séminaire intensif en collaboration avec le Post-diplôme ouvert aux étudiants Art 4 et 5.

Le séminaire conduit par le philosophe italien Pietro Montani fait suite à la rencontre avec l'artiste Matt Mullican et se propose d'élargir au champ de la pensée certains des sujets ouverts par son intervention à l'Ensba Lyon en février dernier.

Pietro Montani collabore depuis ses débuts avec l'unité ACTH. Il a élaboré une pensée inédite autour de l'imagination, telle qu'elle a été conçue par Kant, mais par lui développée en relation avec la question du médium et de l'intermedialité. Montani a porté une attention particulière aux révolutions récentes des médias et a contribué à élargir considérablement le champ de la réflexion sur la technique (l'expression grecque "techné" ne faisait pas la distinction entre art et technique).
L'Unité de recherche souhaite approfondir la relation particulière qui se noue entre l'expérience cognitive des images et leur élaboration, au sens de la transformation qu'elles produisent en nous en mettant à l'œuvre d'autres domaines, notamment ceux de la mémoire et de l'expérience. Cette forme d'élaboration de l'expérience est différente d'autres approches de l'intelligence, comme celle du langage, la forme verbale et intellectuelle qui tende à conceptualiser le monde et ses objets.
Pietro Montani réfléchit à l'usage des images comme à une forme "régressive", non pas dans le sens qualitatif de quelque chose de diminué, mais au contraire, au sens où cette expérience spécifique de relation imaginative au monde réactiverait des comportements expressifs, cognitifs et émotifs "précédents". C'est-à-dire qu'ils ont, au sens de la phylogenèse (l'histoire de l'évolution de l'espèce) et de l'ontogenèse (l'histoire de l'évolution de l'organisme singulier), "précédés" les autres comportements symboliques, ceux qui sont portés par le langage articulé, conceptualisé dans ses formes parlés et écrites.
Cette "régression", est loin d'être lue comme négative chez Pietro Montani, ou comme une réduction de nos capacités cognitives. Il s'interroge au contraire sur l'utilité du retour à de formes plus "antiques" de perception du monde dans le contexte de nouveaux médias. Cette forme d'élaboration lui parait nécessaire aujourd'hui car elle tende à défaire la relation entre langage et expérience, à dissocier les mots de leurs objets. L'élaboration de l'expérience du monde dans le medium des images est devenue à ses yeux une tâche cruciale et une interrogation essentielle pour les artistes. "Régresser" est ici une activité de remise en question, de libre association porteuse de nouvelles possibilités "créatives".

Pietro Montani, philosophe, enseigne l'esthétique à, l'Université de Rome 'La Sapienza'. Son domaine de recherche actuel est l'influence des nouvelles technologies sur la sensibilité, sur les processus cognitifs et dans le travail de l'imagination. Parmi ses livres : L'estetica contemporanea (Carocci 2004); Bioestetica. Senso comune, tecnica e arte nell'età delle globalizzazione (Carocci 2007; traduit en français chez Vrin, Paris 2014); Arte e verità dall'antichità alla filosofia contemporanea (Laterza 2008). Editeur scientifique des Opere scelte di S. M. Ejzenštejn (Marsilio, 8 volumes) et de D. Vertov (L'occhio della rivoluzione, Mimesis 2011), il a consacré deux études au cinéma : L'immaginazione narrativa (Guerini 2000) et L'immaginazione intermediale (Laterza 2010). Son dernier ouvrage est : Tecnologie della sensibilità, Cortina 2014.