Du 03-07-2002 au 26-08-2002
Dedans-dehors
Post-diplôme - École Nationale des Beaux-Arts de Lyon
Convaincue que la singularité des écoles d’art passe par la façon dont elles sont libres de s’inventer et d’assumer leur fonction de transmission, l’École des Beaux- Arts de Lyon a décidé, il y a trois ans, d’ouvrir une structure Post-Diplôme Art. Destinée à cinq jeunes artistes sélectionnés sur concours, issus de divers horizons géographiques et déjà engagés dans différentes pratiques, cette aventure d’une année leur permet de jouir de l’infrastructure d’un établissement et de ses ateliers, d’une bourse, d’un logement, ainsi, et surtout, de bénéficier d’un suivi critique, de rencontres, de déplacements à l’étranger. Ce n’est plus l’école et son rythme rassurant, c’est encore elle et ses exigences dans les croisements : c’est le pari d’une charnière, qui articule ce qui se déclare trop souvent séparé : l’enseignement et le professionnalisme, l’enceinte protégée de l’école et l’exposition au monde, etc. C’est en vertu de la nature paradoxale d’un tel rapport à l’institution que le Post-Diplôme de Lyon a souhaité mettre l’accent sur les dépaysements. Sans pour autant prétendre à la tâche plus malaisée qu’il n’y paraît du nomadisme, des voyages à l’étranger, en Europe, mais aussi au Japon, aux États-Unis, et ailleurs encore, sont imaginés comme le ferment nécessaire d’une pratique artistique activement contemporaine. Car il nous paraît que si l’art d’aujourd’hui, sauf à se cantonner au triste poste d’amuseur social, peut être à la hauteur de ce que nous sommes en droit d’attendre de lui, il ne saurait le faire qu’en délaissant ses réflexes d’autoconservation, ses tics ressassés, sa rancœur quant à la modestie politique dans laquelle il est en définitive remisé. Or ceci — cette conscience dont on voit tant de jeunes artistes désirer retrouver le coupant — ne peut prendre toute sa mesure que dans un souci répété, dans une inquiétude qui dissout tout “dedans” par une confrontation au “dehors”. Confiants dans ce que les besoins renouvelés d’un monde inédit trouveront leur expression précise et joyeuse dans les travaux des artistes, ils prennent ici brièvement la parole pour se présenter.
Yves Robert, directeur de l’École Nationale des Beaux-Arts de Lyon, Marie-José Burki, artiste, et Jean-Pierre Rehm, critique d’art, responsables du Post-diplôme.
Nicolas Boone : À l’école, j’ai appris par cœur, depuis je ne peux pas arrêter : en vrai cancre, je fais mes devoirs. Tout ce qui retient mon attention sera noté et mémorisé mais, problème, j’ai mauvaise mémoire et de la peine à me relire. Or, ma matière première ce sont mes archives : je coupe dedans, j’assemble, je mélange, je monte, puis je mets en scène. Je fais mienne cette phrase de Julien Sorel : “Mon métier est de faire réciter des leçons et d’en réciter moi-même” (Le Rouge et le Noir, livre de poche, p 156). La leçon est sue, mais jamais vraiment comprise, elle est trop dense, trop confuse, alors on la répète avec de nouveaux moyens et l’exigence d’un metteur en scène qui veut réciter un maximum. En fait, il s’agit de procéder à des séances de tournage qui tenteront de “réaliser” toutes ces leçons. Pour cela, pas besoin de caméra. Ça ne sera pas le “film dans le film”, mais seulement le premier, le film dans la vie, dans le chaos, celui où ils font semblant. Latifa Echakhch : Le lieu commun une fois en ruine “ça part dans tous les sens” : nous voilà maintenant en un territoire étranger où il faudra bien, néanmoins, envisager les choses, les figurer pour pouvoir continuer à les partager sous leur nouvelle forme. Il s’agit de trouver le détail insoupçonné à même de tout faire éclater. Là où il est question de traduire, choisissons donc de faire traduire et, invités que nous sommes, invitons à notre tour un étranger dans la demeure. Le résultat ne s’est pas fait attendre. [Ce texte à été réalisé à partir de mes indications par Madame C.J, Madame R. et Monsieur H. écrivains publics bénévoles des Mairies du IVe, Ve et XXe arrondissements de la Ville de Paris. Je tiens ici à les remercier pour leur gentillesse et la générosité de leur collaboration.] Elise Florenty : Objet : tout type d'inadaptation. Capter, évaluer, articuler toute non effectuation intervenue dans un rapport au langage, à l’espace architectural, etc. Moduler des degrés entre connexion et déconnexion, absorption et distraction, adhésion et rejet. Symptômes : équilibre instable, surcharge, décharge, jeu de transmissions, sursaut d'attention, continuum de vigilance, phénomène d'alerte et d'hyperémotivité, répétition d'efforts successifs, réduction de style télégraphique, intoxication par le mot, par le geste. Technique : opérer sur le registre de la simultanéité, traiter des données multiples et éclatées, élaborer des systèmes de lecture d'un langage affectif et intensif visant à retranscrire la progression lente d'une pensée en acte, mettre à plat des structures où convergent des pistes hétérogènes par agencement de texte et d’images. Entre juxtaposition et alternance, entre synchronisation et perte de vitesse, entre ce qui fait et défait une suture. Adriana Garcia : My Favorite Songs with Tijera. Venue de Colombie pleine d’énergie pour réaliser un “projet artistique”, j’ai subitement réalisé que j’étais une étrangère ici — et j’ai pris goût à cet état. Privée de la connaissance de la langue, je me suis trouvée libre et captive, auditrice de sons sans paroles, de paroles comme musique. M’obligeant à donner sens à tout, à traduire tous azimuts, cherchant à faire des liens entre ma mémoire affective et ce qui m’arrive, la musique s’est imposée comme lieu de rencontre des interprétations. Les chansons sont un puissant outil de négociation des significations : ce sont des ombres qui parlent en notre nom. J’utilise les chansons pour survivre. Magenta extension de Stéfanie Morel : Le choix du pseudonyme de magenta s'apparente à ceux des dj’s et utilisateurs du net, et s’inscrit dans une pratique utilisant l’échantillonnage, le mixage, le réseau et l'anonymat. Elle permet d'utiliser la rencontre comme moteur de recherche, moyen de sortir des connotations sexuelles et culturelles établies. Territoires : magenta propose une esthétique frontale mettant en scène un corps dynamique dans un univers de couleurs contrastées qui sont là pour créer des signalétiques et redéfinir des espaces. Magenta emprunte ses outils à la danse, à la scénographie, à la vidéo, au son et au graphisme. Magenta travaille seul(e) ou dans le contexte de workshops, projets participatifs, considérant son lieu de vie comme un espace multifonctions, d'expérimentation, de monstration et d'échanges. Ces échantillonnages sont réunifiés par son action de corps pour devenir danse.
Centre national de la photographie
Hôtel Salomon de Rothschild
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